L’origine d’une pétition qui a
rassemblé plus de 210.000 signatures, le conseiller municipal arrive comme un
chien dans un jeu de quille et bouscule le plan de Com de Ségolène Royal.
En mai dernier, le quotidien
britannique le « Guardian » salue l’action politique d’un illustre inconnu.
Arash Derambarsh, 36 ans, conseiller municipal de Courbevoie est en phase de
devenir un symbole de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Six mois après
son élection, l’élu organisait des collectes à la fermeture des grandes
surfaces et découvrait qu’aucune loi en France ne les oblige à distribuer leurs
invendus comestibles. Il lance alors, avec l’acteur Mathieu Kassovitz une
pétition pour mettre fin au gaspillage de 20 kilos de nourriture par jour dans
les grandes surfaces.Le succès est immédiat, amplifié par le soutien de célébrités
comme Johnny Hallyday ou Omar Sy. Arash Derambarsh s’empare du sujet avec un
aplomb déroutant.
Le thème est depuis longtemps
dans les tuyaux au Parlement et des ministères. Trop longtemps. Un pacte
national signé en 2013 a donné lieu à la désignation d’un comité de pilotage…
Puis une mission parlementaire a été confiée en 2014 au député Guillaume Garot
(PS). L’ancien ministre délégué à l’agro-alimentaire du gouvernement Ayrault
prépare une loi… pour 2015. Contrairement à l’élu de Courbevoie, il ne veut pas
rendre obligatoire la distribution des invendus comestibles, mais améliorer le
système de défiscalisation pour les bons élèves. Une subvention déguisée,
forcément plus incitative pour les grandes surfaces. Tandis que Garot prépare
sa loi, le «Don Quichotte» de Courbevoie continue sa croisade en martelant
qu’il faut contraindre les supermarchés et les hyper à distribuer leurs
invendus consommables quand \une association leur demande.
Il gagne le soutien de la Croix
rouge, Action contre la faim et de One France, l’association du chanteur Bono.
Dans les couloirs de l’Assemblée Nationale, il rencontre Frédéric Lefebvre.
Bertrand Guay - AFP |
L’ancien conseiller parlementaire
lui propose de déposer un amendement dans la loi Macron en discussion à
l’Assemblée. Mais le ministre de l’Economie, briefé par son Premier ministre,
convainc Lefebvre de retirer l’amendement qui court-circuite le programme
gouvernemental. Le rapport Garot va donner lieu à un amendement Garot puis à
une loi Garot, un plan cousu de fil blanc avec à l’horizon un bel outil de
promotion pour la conférence climat Cop21. La cause défendue par Lefebvre sera
traitée en temps voulu. Le député accepte. Moins conciliant, Arash Derambarsh
fonce au Sénat. Il convainc Nathalie Goulet (UDI) de glisser un amendement lors
du vote en deuxième lecture de la même loi Macron. L’amendement est voté à
l’unanimité le 10 avril. Quatre jours plus tard, Guillaume Garot remet son
rapport à la ministre de l’Ecologie. Arash a pris une longueur d’avance, mais
juge l’amendement qu’il a fait voter au Sénat trop «light» (il ne concerne que
les supermarchés de plus de 1000 mètres carrés). Il retourne voir Frédéric
Lefebvre qui lui propose cette fois d’amender la loi sur la transition
énergétique bientôt discutée à l’Assemblée. Mais Guillaume Garot est
prioritaire sur ce thème et sur ce texte.
Arrive le vote à
l’Assemblée nationale, Frédéric Lefebvre défend son amendement et rend hommage
à la mobilisation de l’élu de Courbevoie. Le député Guillaume Garot dépose lui
aussi son amendement. Surprise, il propose lui aussi d’obliger les grandes
surfaces à distribuer les invendus consommables. Finie l’idée d’améliorer le
système de défiscalisation… A initiative égale, la majorité socialiste préfère
donc celle qui est portée par son propre parti. Normal. «Vieille technique»,
confie un connaisseur.
La proposition de Garot
est retenue, celle de Frédéric Lefebvre passe à la trappe. Tans pis.
«L’essentiel c’est que le projet soit porté peu importe par qui», explique-t-il
à Arash Derambarsh. D’ailleurs «le Guardian», trois jours après le vote
attribuera la paternité de l’amendement Garot à… Arash Derambarsh, dont
l’activisme a effectivement porté ses fruits.
LES MISES EN GARDE DE
FRÉDÉRIC LEFEBVRE
En séance ce 21 mai,
Lefebvre prévient de la nécessité de coordonner les deux amendements sur le
gâchis alimentaire: celui déposé par Nathalie Goulet au Sénat dans la loi
Macron et celui déposé par Garot dans la loi Royal. Un détail technique qui a
son importance. Selon le député Lefebvre, promouvoir l’un sans l’autre comporte
un risque compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dite de
«l’entonnoir». Des propos qualifiés «d’anxiogènes» par le président de la
commission des affaires économiques François Brottes (PS). Ils seront pourtant
prémonitoires.
Le Conseil
constitutionnel vient en effet d’annoncer jeudi dernier le rejet de
l’amendement Garot… «Les amendements ont été introduits en nouvelle lecture
(…). Ces adjonctions n’étaient pas à ce stade de la procédure en relation
directe avec une disposition restant en discussion (…) n’étaient pas non plus
destinées à opérer une coordination avec des textes en cours», peut-on lire
dans la conclusion des sages. Autrement dit, en refusant de concilier les
amendements Garot (PS) et Goulet (LR), le législateur vient, comme l’avait
prévenu Lefebvre, de se tirer une balle dans le pied.
"IL FAUT LÉGIFÉRER
D’URGENCE"
Voilà Ségolène Royal bien
embarrassée. A la manœuvre depuis le début de cette campagne, elle s’était
enorgueillie dans un tweet du 22 juillet de «sa» proposition sur le gâchis
alimentaire – oubliant même de citer Garot… A trois mois de la Cop21, la voilà
privée de loi pour réduire le gaspillage alimentaire. Dommage.
Son député Guillaume Garot
promettait hier dans un tweet de déposer une proposition de loi dès la rentrée.
Mais trois heures plus tard, ce n’était pas sa proposition qui était déposée à
l’Assemblée… mais celle des députés Républicains Frédéric Lefebvre et Jean-Pierre Decool. «Il faut légiférer d’urgence», lance Frédéric Lefebvre quipropose de réunir des signatures de droite et de gauche.
En attendant que les Gaulois se
mettent d’accord, la Commission européenne étudie le texte «économie
circulaire» qui prévoit lui aussi de limiter le gaspillage des ressources. Voté en juillet par les eurodéputés à Strasbourg, ce texte sera présenté dans sa
version définitive à la fin de l’année au moment de la Cop21.
Il contient un
petit amendement sur la lutte contre le gâchis alimentaire déposé par Angélique
Delahaye (LR) et poussé en coulisse par… Arash Derambarsh, l’élu qui revient par
la fenêtre quand on le sort par la porte.
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