Portrait d’Arash Derambarsh (élu de Courbevoie) sur RFI par Anne Bernas
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Arash Derambarsh à Courbevoie |
Obliger les
supermarchés à redistribuer leurs invendus, tel est le combat mené par un jeune
élu de Courbevoie, en banlieue parisienne.
Arash Derambarsh,
débordant d’enthousiasme, a bien l’intention que cette lutte aboutisse à une
loi, ce qui serait une première en France.
Ambitieux et décidé, il
projette même de l’étendre par la suite au continent africain.
Un défi de longue
haleine que le jeune élu entend mener jusqu’au bout.
« Les Courbevoisiens
m’ont demandé d’agir sur la vie concrète des gens, de ne pas faire de baratin
ou de blabla comme beaucoup d’élus ». Les bases sont posées.
A 35 ans
seulement, il a tout du politicien. Arash Derambarsh raconte son combat pour la
énième fois. Les médias sont déjà nombreux à s’être emparés de son histoire et
le conseiller municipal gère avec tact sa popularité croissante. Le discours
est maîtrisé, sans ambages, les mots sont pesés. « L’idée est venue d’un vécu,
raconte le jeune homme. J’ai connu la faim lorsque j’étais étudiant et que je
ne gagnais que 700 euros par mois. »
Aujourd’hui, il
s’insurge que le 10 de chaque mois, la classe moyenne se serre la ceinture et
que les SDF soient de plus en plus nombreux dans l’Hexagone. Face à cette
alarmante situation, Arash Derambarsh, « élu de la République », comme il aime
à le répéter, veut apaiser les souffrances de ses concitoyens par une manière
simple : stopper le gaspillage alimentaire. Chiffres à l’appui, il poursuit sa
démonstration, expliquant que chaque jour, ce sont entre 20 et 40 kilos
d’invendus qui sont jetés dans chaque supermarché, une « aberration ». Au
niveau planétaire, un tiers de la production mondiale de nourriture est gâchée…
Alors, l'homme est
passé à l’action en fin d’année dernière. Le terrain, quoi de mieux pour un élu
!
A la fermeture d’un supermarché de sa ville, accompagné d’amis et de citoyens
de Courbevoie, Arash Derambarsh récupère les invendus de la journée et les
distribue aux plus démunis de sa ville qui jouxte le quartier d’affaires de La
Défense à l’ouest de Paris. « Chaque soir, on distribuait l’équivalent de 500
euros de nourriture ». Les médias aidant, l’action du Courbevoisien a eu un
écho retentissant. « Comme ce qu’on faisait n’était pas légal, et bien on
demandait une loi », poursuit l'élu.
Ainsi, en janvier
dernier, il lance une pétition avec son « ami », l’acteur et réalisateur
Mathieu Kassovitz pour qu’une loi imposant, ou incitant aux supermarchés de
donner, soir après soir, tous leurs invendus à l'association de leur choix,
soit votée. Techniquement, ce que propose Arash Derambarsh, c’est donc que
chaque citoyen puisse créer une association pour ensuite s'adresser à
l'enseigne de son choix dans sa commune, afin que celle ci lui remette les
invendus pour une distribution le soir même. Aujourd’hui, plus de 170 000
personnes ont déjà signé la pétition, un réel succès pour celui dont le
discours est rodé et efficace. Car écouter Arash Derambarsh, c’est être confronté
à un exercice journalistique peu commun tant le protagoniste contrôle la
situation et écarte d’un revers de main toute forme de critique ou « parasitage
».
Des soutiens de poids
Plus de quarante
parlementaires et élus de toutes couleurs politiques soutiennent désormais
l’initiative d’Arash Derambarsh, dont des soutiens de poids. Des stars du
show-biz sont aussi aux côtés du jeune homme qui semble avoir un réseau plus
qu’impressionnant... Laetitia et Johnny Halliday, Omar Sy, etc., la liste est
longue. Récemment, c’est ONE-France, l'organisation cofondée par Bono, chanteur
du groupe U2, qui a apporté son soutien à l’action de l’élu.
Le 7 avril, le
Courbevoisien va « convaincre » l'Élysée du bien-fondé de son initiative,
accompagné d'une délégation de 15 personnes dont Frédéric Daerden, qui a mis en
place un système quasi-similaire et qui a fait ses preuves à Herstal, en
Belgique. Suite à cette pétition, le député Guillaume Garot a pris l’engagement
de légiférer contre le gâchis alimentaire. « Député, je ferai, avant la
mi-avril, des propositions concrètes au gouvernement, pour mettre en œuvre dans
notre pays une politique cohérente contre le gaspillage alimentaire, qui
permette de faciliter le don et plus largement d’éviter le gaspillage. C’est
dans ce cadre que sera traité le problème des invendus de la grande
distribution. Je proposerai dans la foulée, une loi, écrite avec des élus de
tous bords politiques, tirant les leçons des multiples initiatives locales
menées partout en France ». « Il y aura une loi avant l’été sur le gâchis
alimentaire », s’enorgueillit de son côté Arash Derambarsh, plus que jamais sûr
de lui et qui semble ignorer l’existence du mot « douter ».
Rien ne l'arrête, ni
certaines associations qui ne considèrent pas nécessairement cette initiative
d’un bon œil, craignant des mesures coercitives, ni même le poids des lobbys
industriels. « Je suis un élu français, les pressions ne me préoccupent pas.
Rien ne peut et ne pourra m’influencer. Rien. Toutes ces forces obscures des
lobbys, je les combattrai ». Alors fait-il cela par pur humanisme et par pur
altruisme ? Il semblerait que oui, puisque l’élu, imperturbable, ne prétend
avoir aucune visée électorale avant 2020… « Tout ceci, pour moi, est un
objectif d’intérêt général. Rien de plus. Je suis là pour apporter des réponses
à un problème. Je suis dans l’action, je ne suis pas un idéaliste ».
Une utopie ?
Arash Derambarsh, fort
de sa victoire qu’il estime certaine, ne veut pas se cantonner à combattre le
gâchis alimentaire en France. En fin politicien, il entend ainsi s’attaquer au
continent africain… là où sévit aussi un gaspillage alimentaire d’une toute
autre teneur. La cause est noble et belle, mais elle paraît utopiste. Sauf pour
le jeune élu, irrité par le mot. « Nous faisons une action locale, dit-il, mais
la pensée est globale ».
Doctrine du village planétaire à l’appui, l’élu de
Courbevoie, volontiers séducteur, analyse : « La grande pauvreté, elle est en
Afrique. Et le gâchis, il est aussi dans les supermarchés du continent noir. Et
là-bas, avec dix fois moins on peut se nourrir dix fois plus. On veut taper
très fort ».
Arash Derambarsh,
peut-être un brin naïf, est persuadé que son action dans l’Hexagone va faire
effet boule de neige. « Je veux prendre le calendrier international à témoin et
dire que ce que nous voulons faire en France, en Belgique, nous le ferons
ensuite dans l’Union européenne puis à l’international ». Et d’expliquer qu’en
octobre et en novembre prochains, ce sera à la table des Nations unies par le
biais de One-France. La lutte contre le gaspillage fait en effet partie des 17
Objectifs de développement durable (ODD) devant être adoptés en septembre à
l’ONU. Quand on sait que la quantité de nourriture jetée par l’ensemble des
producteurs, distributeurs et consommateurs des pays dits « riches » pourrait
nourrir sept fois la population souffrant de la faim dans le monde, la cause
vaut plus que jamais la peine d’être défendue.
Altermondialiste ou
sauveur de l’humanité dans l’âme, Arash Derambarsh veut que sa génération,
celle des trentenaires, se rende compte que si rien n’est fait, l’humanité
court à sa perte. « Quand les gens ont faim ou ont soif, en France ou n’importe
où sur la planète, ca provoque des guerres ». Et l’élu de justifier que son
discours est sensé : « Notre pétition a été signée dans bien d’autres pays que
la France. J’ai reçu des mails de soutien du monde entier ». Et Arash
Derambarsh de poursuivre son discours tout en serrant les mains de ses
concitoyens de Courbevoie. Si l'initiative d’Arash Derambarsh ne fait pas
l'unanimité, sa cause n'en demeure pas moins une réponse encourageante face à
l'immensité du problème de la malnutrition, qui concerne un milliard d'hommes
dans le monde.
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Arash Derambarsh et des bénévoles à Courbevoie |