Arash Derambarsh AFP Le Figaro
Un an jour pour jour après le vote de la loi contre le gaspillage
alimentaire, l'élu de Courbevoie, qui en est à l'origine, dénonce des «actes de
malveillance». Entre pressions politiques et poids des lobbies, il raconte les
dessous d'un vote sensible.
Le 3 février 2016, la loi n°2016-138 relative la lutte contre le gaspillage
alimentaire sort par la grande porte du Parlement. Après de nombreux mois
d'âpres débats à l'Assemblée nationale, le texte est définitivement adopté.
Elle prévoit notamment des dispositions destinées à empêcher les grandes
surfaces de jeter la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la
consommation, via des associations agréées. Les enseignes récalcitrantes seront
automatiquement condamnées à payer une amende de 3750 euros.
« 10 millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année dans
notre pays »
Si la loi a été portée au Palais Bourbon par le député socialiste Guillaume
Garot, ce combat a été mené de longue date par un élu local inconnu du grand
public jusqu'alors: Arash Derambarsh. Docteur en droit pénal, éditeur au
Cherche-Midi, conseiller municipal Les Républicains dans la ville de Courbevoie
(Hauts-de-Seine), cet homme de 37 ans attire les projecteurs pour sa
personnalité peu conventionnelle, au risque, parfois, de remettre en cause la
nature de son combat. «Quand j'ai commencé à porter cette bataille, la question
du gaspillage alimentaire n'était pratiquement jamais abordée en France.
Pourtant, 10 millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année dans
notre pays», explique Arash Derambarsh au Figaro. Attiré par les lumières des
médias, il fascine autant qu'il révulse. Un an après le vote de «sa» loi, cet
homme né en 1979 à Paris de parents iraniens n'oublie pas les coups qu'il a
reçus durant les mois qui ont précédé le vote des parlementaires. Les menaces
et intimidations, de la part de ceux qu'ils nomment «les lobbies», dont il a
été l'objet.
Pressions politiques et poids des lobbies
«Il y a eu des actes de malveillance à mon encontre, relate-t-il calmement.
Des personnes travaillant pour la Fédération du commerce et de la distribution
- qui regroupe la plupart des hypermarchés et supermarchés en France - sont
venues dans un salon du livre auquel je participais en tant qu'éditeur et ont
fait pression sur moi pour que j'arrête mon combat. Ils m'ont dit qu'ils
avaient le pouvoir de me faire virer. J'ai appris par la suite qu'ils avaient
également parlé à mon patron». Seulement, Arash Derambarsh l'assure, il n'est
pas «du genre à avoir peur». Au contraire, ces réactions hostiles le confortent
dans son engagement. Il poursuit: «Ces mêmes personnes sont allées voir
directement les parlementaires par la suite en les menaçant de supprimer les
subventions accordées aux associations sportives de leurs circonscriptions
s'ils votaient cette proposition de loi». Des propos contestés par la FCD qui a
reconnu avoir eu «une vive discussion» avec lui, mais a nié avoir exercé des
pressions de quelque sorte que ce soit.
« Ils s'en sont pris directement à mon mandat »
Enfin, l'homme entend régler ses comptes avec «les élus de la République».
«Certains députés et sénateurs, de droite comme de gauche, sont aussi venus me
voir les mois précédant le vote. Ils m'ont dit: “Arash, ce n'est pas nécessaire
d'aller plus loin dans ce combat. La législation actuelle est déjà très
bonne”». Puis, selon ses dires, les propos ont été de plus en plus virulents.
«Par la suite, ils m'ont rappelé que je n'étais qu'un simple conseiller
municipal, et qu'il ne fallait pas que je les oblige à aller voir le maire de
Courbevoie. Là, ils s’en prenaient directement à mon mandat. Une fonction pour
laquelle j'ai été élu quand même», explique-t-il, dénonçant les «pressions d'un
système». «J'ai été déçu de certains», poursuit-il, déplorant notamment que le
candidat Les Républicains à la présidentielle, François Fillon, ne l'ait jamais
reçu pour discuter de cette question absente de son programme.
Le Courbevoisien n'a pas non plus digéré l'attitude de Jacques Bailet, le
président de la Banque alimentaire, et des Restos du Cœur. Ces deux organismes,
qui organisent des collectes de nourriture toute l'année, n'ont pas soutenu, au
départ, l'action du conseiller municipal, craignant des problèmes de
logistique. Olivier Berthe, président de l'association créée par Coluche, avait
notamment déclaré dans les colonnes de Libération en mai 2015 : «Il ne faut pas que
ça se transforme en cadeau empoisonné pour nous (…) On doit choisir la qualité
et la quantité des produits donnés, on n'est pas des dépotoirs». Des propos mal
digérés par le principal intéressé. S'il témoigne aujourd'hui librement des
pressions subies durant des mois, c'est qu'Arash Derambarsh juge que le temps
est venu. Tel un boxeur, il choisit le moment opportun pour asséner ses coups
après en avoir essuyé beaucoup, et espère refaire parler de sa loi - et de lui
- avant l'élection présidentielle.
Au total, 5000 associations agrées ont été créées pour collecter les
invendus dans 5000 supermarchés de France. «Cela correspond à 10 millions de
repas distribués depuis douze mois», se félicite-t-il. Depuis le 3 février
2016, la législation française a fait des émules, notamment en Italie, en
Finlande ou en Roumanie. Une pétition lancée pour saisir le Parlement européen
de cette question a, pour l'heure, recueillie plus de 820.000 signatures. «Dans
ce domaine, la France a été un moteur. Je m'en réjouis parce que cela montre
qu'un simple élu municipal peut changer les choses», conclut Arash Derambarsh,
qui entend désormais lutter pour changer en profondeur le système
agroalimentaire en France, qu'il juge « corrompu ».
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jeudi 9 février 2017
Le Figaro - Gaspillage alimentaire : Arash Derambarsh dénonce les «pressions d'un système»
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