Arash Derambarsh et le Club "Courbevoie 3.0" |
Information et communication locales :
des outils de démocratie participative
Nouvelle édition du
club Courbevoie3.0, fondé par Arash Derambarsh, le lundi 13 mai dernier au
restaurant Paparotti de Courbevoie. Une centaine de personnes s’étaient
déplacées pour cette nouvelle réunion, sur le thème de l’information et de la
communication locale.
Arash Derambarsh et le Club "Courbevoie 3.0" |
Arash Derambarsh
ouvre les débats : « Ce
club, c’est le vôtre. Chaque mois, nous invitons des personnalités
prestigieuses pour débattre avec les citoyens autour de thématiques variées
comme la santé, le numérique, l’entrepreunariat, l'emploi, l'éducation,… » Le président du club
revient sur la notion de 3.0 : « Nous voulons mettre en place une interactivité. Le citoyen exige de la
transparence et de l’information car le monde d’aujourd’hui va très vite, il
faut avoir les outils pour s’épanouir. » Et de lancer le débat du
soir : communiquer et informer, ce qu’une ville doit faire.
Jean-Philippe Elie, Christophe Grébert, David Lacombled, Arash Derambarsh, Christophe Ginisty et Stéphane Boukris |
Informer et communiquer
Après la présentation des intervenants, Christophe Ginisty revient sur la différence entre les notions
d’information et de communication. « L’information
est une matière première, il faut aller la chercher, et pour cela nous avons
des journalistes. » Alors que la communication ne signifie pas
forcément informer, mais transmettre l’information dans le but de changer les
mentalités, d'influencer.
C’est ensuite Christophe
Grébert qui prend la parole : cet élu local à Puteaux, dans les
Hauts-de-Seine, revient sur son expérience de blog et explique les besoins du
citoyen en matière d’information locale : « Cela fait 16 ans que j’ai créé ce blog car je n’avais pas les
informations dont j’avais besoin. Le seul moyen dont je disposais était le
journal de la ville, qui était un véritable outil de propagande. » Ce
qui l'a donc conduit à créer monputeaux.com,
blog d’informations locales sur sa commune. «
Le maire a été très contrarié qu’un habitant puisse ainsi contester »,
avoue ce blogueur, très attaché à sa ville.
Cette initiative peut-elle faire tâche d’huile à
Courbevoie ? Pour Jean-Philippe
Elie, cette initiative est l’exemple type de démocratie locale avec un vrai
travail de journaliste pour faire bouger les choses. « Nous n’avons pas cela ici : le seul qui a la parole, c’est
le maire, il n'y a pas de contre pouvoir », explique ce journaliste
courbevoisien.
Doit-on comprendre que le maire de Courbevoie (Jacques Kossowski) s’oppose à
cela ? « Oui et non »,
répond Jean-Philippe Elie, avant de
donner l’exemple des conseils de quartiers : « Sur 21 membres, 16 sont nommés par le maire ». Et
d’aller plus loin : « Le site
de Courbevoie a obtenu en 2010 le label Ville Internet @@@, alors que l’on ne peut pas
encore y faire toutes les démarches administratives ». Et il
poursuit : « 105 personnes seulement suivent la ville sur Twitter,
c’est trop peu pour une ville de 90 000 habitants ! » Il
regrette aussi que l’on ne trouve qu'un récapitulatif des décisions des
conseils municipaux et milite pour l’utilisation de la vidéo au sein de ces
conseils afin de mieux en rendre compte au citoyen.
Bruno
Azria, avocat au barreau de Paris et membre du Club Courbevoie 3.0, rappelle les différentes obligations
légales d’une mairie. Un projet de loi est en préparation par le gouvernement
afin de rendre toutes les données publiques, par exemple les données
financières d’une mairie, disponibles et accessibles, dans le but d’affirmer la
gratuité de l’information, explique cet avocat au barreau de Paris.
En ce qui concerne les permis de construire,
la mairie a une obligation d’affichage public et de publication. Bruno Azria explique que, pour les
marchés publics, les appels d’offres sont soumis à différents seuils :
- de
0 à 15 000 euros, la mairie n’a aucune obligation de publication ;
- entre 15 000 et 130 000 euros, elle peut choisir elle même quel média
utiliser ;
- au dessus de 130 000 euros, la publication au Journal
officiel des marchés publics est obligatoire.
Or, le citoyen ne peut consulter
que ce dernier.
Dans la salle, Céline Touati tient à raconter une anecdote. Cette naturopathe de
Courbevoie est venue consulter un permis de construire : « On m’a demandé 30 euros pour le coût des
photocopies », affirme-t-elle amusée.
« Nous
ne sommes pas informés de ce que l’on fait de notre argent. Il faut changer ces
mentalités, on doit vous rendre des comptes », ajoute Arash Derambarsh avant de questionner le public sur les autres
enjeux de l'information et de la communication locales. Il cite l’exemple
du numérique : « La plupart
sont venus ce soir par le numérique. Il faut
donc y former les gens, car l’administration ne doit plus être un
problème mais une solution simple ».
« Simplifier la vie des citoyens
afin de la rendre plus idéal ».
Arash Derambarsh et le Club "Courbevoie 3.0" |
C’est au tour de David
Lacombled d’intervenir. Il a écrit un ouvrage Digital Citizen
où il aborde les enjeux liés au numérique. « Quand
Arash parle de fracture numérique, il a raison : l’ambition d’une
ville passe par là. » L’auteur insiste sur l’utilité du numérique pour
une commune : « On peut
signaler un dysfonctionnement dans la ville ». Il poursuit en citant
l’exemple de la ville d’Amiens : «
Elle a fait un jeu interactif pour la création de sa nouvelle piscine ».
Avant de poursuivre : « Le
numérique permet une instantanéité directe. Grâce à cela, vous verrez votre
ville, avant, pendant et après… »
Peut-on parler de fossé numérique entre les communes ? David Lacombled réfute l’idée de ville
« tout numérique », mais parle de « simplifier
la vie des citoyens afin de la rendre plus idéale ».
« Qui doit donner
l’impulsion ? », questionne Olivier
Corredo, qui anime les débats. « La
législation arrivera toujours après la technologie », regrette David Lacombled alors que c’est une
réalité économique importante : il donne l’exemple du poids économique
d’Apple qui représente le PIB de l’Autriche.
C’est au tour de Stéphane
Boukris, créateur de Going to Digital
et de L’Express Ventures,
d'intervenir : ses sociétés investissent de l’argent dans des jeunes
start-up pour leur donner de la visibilité. « N’importe
où où vous vous trouvez, vous pouvez, grâce à internet, faire des choses pour
votre ville ! » À l’instar de David Lacombled et d’Arash
Derambarh, il insiste sur l’idée de « simplifier la vie du citoyen
». Et rappelle que le président Obama à pris un décret pour libérer l’Open
Data
Ce créateur de start-up précise que « nous avons des ingénieurs spécialistes pour cela en
France». Et de poursuivre : « On
peut créer une application d’idées et la lancer après sur le net ». Il
cite l’exemple du concours lancé par la Sncf et la Ratp moovingthecity (25 000 euros sont à gagner) : « En utilisant leurs données, vous pouvez développer un site web,
une application et ainsi participer à l’amélioration de la vie des usagers des
transports parisiens ».
Mais pourquoi payer pour une information
gratuite ?, questionne la salle. Arash
Derambarsh répond : « Si
voulez que ce soit gratuit, il faut que ce soit nos politiques qui le fassent ».
Et de rappeler l’exemple de Jean-Claude Decaux : « La commune délègue ces panneaux à l’entreprise ».
Dans la salle, Anne-Sophie
Bordry, ex-directrice Facebook des
affaires publiques en France et en Europe du Sud, tient à préciser : « La police nationale intègre déjà les
données des personnes via les réseaux sociaux ».
« Ça ne me dérange
pas du tout s’il faut payer pour cela, du moment que ce sont des entreprises
européennes ou françaises qui le mettent en place, rétorque David Lacombled. Si on ne le fait pas, c’est Google qui le fera
et on risque de se retrouver en situation de monopole ! »
« Les élus doivent-ils prendre conscience de
cela ? », questionne Olivier
Corredo. En 2007, Christophe Ginisty
a créé en ce sens une association, Renaissance numérique, afin d’alerter les
candidats à l’élection présidentielle et de faire de la France un pays
numérique. « Beaucoup d’élus l’utilisent surtout pour un usage
commercial, notamment avec les entreprises, et pas au service du citoyen.
» La Ville d’Issy-les-Moulineaux est citée en exemple par Christophe Ginisty. « Les
maires, après avoir voulu attirer les entreprises pour payer différentes taxes,
devraient s’intéresser davantage aux citoyens afin de lutter contre la fracture
numérique ».
La libération des données est-elle une bonne idée
alors ? « Libérer les données,
c’est bien mais il faut les chercher, les indexer, pour le que le citoyen s’y
retrouve car sinon, il n’y comprendra rien », rajoute Christophe Ginisty.
« Avez-vous déjà
assisté à un conseil municipal ? », demande Arash Derambarsh à la salle. Peu de personnes présentes y ont
participé. Le président du Club propose de filmer les conseils municipaux pour
y apporter de l’interactivité. « On
se doit d’être informé et de donner une opinion qui compte »,
rajoute-t-il.
David Lacombled
donne l’exemple de la crise économique au Canada dans les années 1990. Face à
cette situation, le gouvernement fédéral a publié toutes les dépenses des
ministères sur internet. « Les
dépenses ont baissé de 20 %, précise David Lacombled. « Faites cela ici, et vous verrez que votre feuille d’impôts diminuera
d’autant ».
Mise
en garde contre le tout numérique
Arash Derambarsh et ses invités |
« On ne peut pas
compter que sur le privé et le législateur, ajoute Christophe Grébert. Il
faut passer par les associations, comme le club fondé par Arash. J’ai proposé
dans mon programme de créer une école numérique, où l’on pourra se former. Et
que toutes les familles en HLM aient accès à un ordinateur ». Il met
aussi en garde contre le « tout numérique », et donne l’exemple de la
déclaration d’impôts : « Vous
avez plus de temps sur internet et là, c’est un danger, car ça crée des
inégalités ».
Stéphane Boukris
rappelle les vertus de twitter qui permet de pouvoir informer de manière à la
fois descendante - la municipalité peut communiquer avec vous - et montante –
on peut informer sa ville sur un événement important.
Arash Derambarsh
met en évidence une citation de Condorcet : « Toute société qui n'est pas éclairée par
des philosophes est
trompée par des charlatans ». À l’instar de Stéphane Boukris, il milite pour l’utilisation de twitter,
véritable outil d’interactivité.
Jean-Philippe
Elie intervient de nouveau et donne l’exemple du budget de la ville de
Courbevoie : « Elle publie ses
comptes comme le veut la loi. Or, entre 2006 et 2012, il y a eu 90 millions
d’augmentation du budget sans qu'aucune explication ne soit donnée ».
Il regrette cette volonté de « cacher
les choses ». Et de raconter cette anecdote : « Lors du débat sur le projet de loi Hadopi à l’Assemblée
nationale, un seul député, Nicolas Dupont-Aignant, a avoué ne rien y connaître,
beaucoup le cachent par orgueil ! »
Après le débat, les gens dans la salle ont pu s’exprimer et
poser les questions aux différents intervenants.
« Au-delà de la
fracture numérique, n'y a-t-il pas une fracture d’âge ? »,
questionne un habitant de la ville. La génération Y, c'est-à-dire celle née
dans le numérique, ne se rend pas compte de la puissance de l’outil, répond Christophe Genisty. Et de donner à son
tour un exemple : « Un jour,
lorsque je militais pour le numérique avec un élu, il a appelé son fils pour
qu’il lui explique certaines choses ».
« C’est une
question d’envie, tient à ajouter David
Lacombled. Tout le monde doit
tomber de son piédestal ».
Débat avec le public Les enjeux du numérique |
Selon Christophe
Grébert, le numérique permettra de passer à une véritable démocratie. « Il y aura un véritable système de
collaboration, on aura moins besoin des élus et cela créera des tensions… Voilà
pourquoi les jeunes ne sont plus en phase avec la politique. » Et de
poursuivre : « Nous avons
affaire à de véritables dinosaures, c’est au niveau des quartiers que nous
devons donner l’impulsion ».
Anne-Sophie Bordry rappelle
que le numérique peut bouleverser l’autorité en place : « Cela
s’est vu notamment dans les révolutions arabes ».
Arash Derambarsh
émet l’idée de créer une télévision locale où chacun pourrait
intervenir : « On ne
valorise pas assez les gens, il faut positiver ».
Dans la salle, Samuel
Paccoud demande si on peut enregistrer les conseils municipaux. Christophe Grébert répond que c'est tout à fait possible : « Le
droit à l’image n’existe pas pour un élu dans l’exercice de ses fonctions. Cela
rendrait les débats plus transparents ».
Pour David Lacombled,
« il faut mettre le citoyen en éclaireur et lui apporter plusieurs
sources d’informations différentes ». Améliorer l’information sans la
manipuler et la rendre concrète afin d’améliorer le bien-être de tous dans un
souci de transparence.
On l’aura compris : l’information locale représente un
vrai enjeu et peut donner un nouveau souffle à la démocratie. En concluant
cette séance, Arash Derambarsh a
remercié les participants et donné rendez-vous le jeudi 27 juin pour une nouvelle
édition.
- Merci à Sofien Murat pour la rédaction de ce compte-rendu.
- Merci à Cyrus Atory, Aymeric Gobert et Jérémy Brouillaud pour les photos.
- Merci à Cyrus Atory, Aymeric Gobert et Jérémy Brouillaud pour les photos.
Anne-Sophie Bordry, Bruno Azria, Chantal Sutton |
Jonathan Curiel, Jérémy Brouillaud, Chantal Sutton |
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