mercredi 6 octobre 2010

La Légion d’Honneur n’est pas un cadeau !




Ce qui était une décoration au-dessus de tout soupçon  est devenu aujourd’hui sujet à débat.


En effet, pas un jour sans son lot de polémique et de suspicion concernant la décernation de cette médaille. Il y a bien sûr l’affaire controversée « Patrice de Maistre – Eric Worth », le procureur Jean-Claude Marin qui a été critiqué par Dominique de Villepin pour avoir enquêté à charge contre lui dans le dossier Clearstream, le refus des journalistes Marie-Eve Malouines (France Info – Radio France) et Françoise Fressoz (journal Le Monde), la décoration de nombreux peoples comme Daniela Lumbroso ou encore l’économiste Alain Minc. Mais cela ne date pas de la présidence de Nicolas Sarkozy.
Ainsi, au début, mais vraiment au tout début, la Légion d'honneur voulue par Bonaparte répondait à une demande bien réelle de la population française, privée par la Révolution des ordres royaux. Et notamment de l'ordre de Saint-Louis, créé par Louis XIV, qui ouvrait la voie de l'anoblissement à ses membres au bout de trois générations et dont le Premier consul s'inspirera à la fois pour la couleur (le rouge) et certains grades (chevalier, commandeur, grand-croix) lorsqu'il instaurera son équivalent républicain.

La raison d'être du tout nouvel Ordre était, officiellement, de récompenser les militaires ou les civils ayant rendu d'éminents services au pays. Dans la première remise de 1804, pensée et servie par le général Bonaparte, devenu l'empereur Napoléon Ier, on trouve successivement une série de soldats méritants, mais aussi des savants, Monge, Chaptal et Jussieu, ainsi que David et Houdin. Autant dire, que des éminentes personnalités.

Curieusement, la Restauration puis le régime de Louis-Philippe conservèrent, à quelques modifications près, noblesse oblige, cette Légion imaginée par Napoléon, emprisonné à Sainte-Hélène. Signalons que c'est le Président Louis Napoléon Bonaparte, un an avant de devenir Napoléon III (dit « le petit »), qui permit aux dames et demoiselles de s'accrocher le ruban sur le sein.

La République installée, le ruban rouge va connaître son heure de gloire. Les gouvernements qui se succèdent en font un usage débridé. Chaque notable, si insignifiant soit-il, veut l'avoir sur son costume du dimanche. Un président de la République, Jules Grévy, doit même démissionner en 1887 juste après sa réélection à cause de son gendre, un nommé Wilson. Ce dernier s'était établi vendeur de décorations en association avec un général du ministère de la Guerre, ce qui rapportait beaucoup mais faisait mauvais effet.

François Mitterrand en a lui-même épinglé plus de 1 500.

Cette phase de grande distribution, moralisée un moment par la guerre de 14-18, reprend après Vichy. Puis le Général de Gaulle tente de limiter l'inflation en imposant des quotas : pas plus de 125 000 distingués vivants au total dans les cinquante années à venir. On est loin du compte à l'époque, puisque près de 300 000 Français et Françaises sur pied arborent la Légion d'honneur, malgré l'instauration d'un autre ordre national, le Mérite, censé consoler les impétrants privés de ruban rouge.


Avec des hauts et des bas, les restrictions gaulliennes vont tout de même finir par s'imposer : on en est aujourd'hui à plus 113 000 membres vivants de l'Ordre, tous grades confondus, et les militaires supplantant très légèrement les civils.

Chacun sait que les listes de nommés et de promus sont publiées trois fois par an au Journal officiel : le 1er janvier, le dimanche de Pâques et le 14 juillet. Mais beaucoup de gens ignorent que cette énumération ne constitue qu'un préliminaire. Encore faut-il arriver jusqu'à la remise de la médaille désirée par une notabilité quelconque, l’idéal restant bien sûr le chef de l'Etat lui-même, grand maître de l'Ordre.

Il arrive que le Conseil de la grande chancellerie, à qui appartient la décision finale, en accord avec le président de la République, ne décerne pas la Légion d’Honneur. En effet, il a deux sortes de « bannis » du ruban rouge : les rebelles et les individus qui ont des problèmes avec la justice.

Les premiers sont les personnalités qui ont échappé, par miracle, aux «enquêteurs» de l'Ordre chargés de vérifier par lettre ou par téléphone si elles acceptent la distinction proposée par un autre légionnaire, comme le veut l'usage. En général, les réticents sont détectés avant même leur inscription au JO : Catherine Deneuve, Simone Signoret et Yves Montand, Raspail, Lamennais, Gérard de Nerval, Littré, Barbey d'Aurevilly, Gustave Courbet, Béranger, Maupassant, Pierre et Marie Curie, Degas, Ravel, Gide et Sartre ont, entre autres, refusé de figurer sur les «listes rouges». Ceux qui passent entre les mailles du filet protecteur et découvrent leur nom dans un journal sont très rares : Brigitte Bardot, Claude Lelouch et Coco Chanel, qui trouvait qu'«un ruban rouge ça vous fout en l'air un tailleur», appartiennent à cette catégorie.

Dans les autres cas, il y a eu des controverses judiciaires comme le cas Papon. En effet, au départ, aucune réaction de la grande chancellerie ni de son grand maître après l'inculpation de Papon pour complicité de crimes contre l'humanité. Rien non plus lors de son renvoi devant les assises. Et silence total lors de sa condamnation, le 2 avril 1998. Mais à la suite de sa condamnation, Michèle Alliot-Marie déclara qu’à la suite de la décision de justice, la République a décidé de retirer la croix de commandeur de la légion d'honneur à celui-ci.

Le problème est donc simple, il s’agit de redonner de la crédibilité à cette décoration.
Une initiative est donc à saluer. C’est celle de Rodolphe Oppenheimer, petit-fils d’Edgar Faure. Celui-ci a créé l'Association des décorés des Arts et des Lettres afin de prolonger la pensée d'André Malraux qui avait fondé l'Ordre des Arts et des Lettres en l'imaginant, patrimoine national, « respecté et envié des artistes, des écrivains, des créateurs ».
Notre République doit redevenir une émulation afin de tirer tous les Français vers le haut. Et cela passe forcément par ce genre d’initiative.

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