dimanche 16 août 2015

PARIS MATCH - Gaspillage alimentaire - Le Don Quichotte de Courbevoie contre les éléphants du PS






L’origine d’une pétition qui a rassemblé plus de 210.000 signatures, le conseiller municipal arrive comme un chien dans un jeu de quille et bouscule le plan de Com de Ségolène Royal.

En mai dernier, le quotidien britannique le « Guardian » salue l’action politique d’un illustre inconnu. Arash Derambarsh, 36 ans, conseiller municipal de Courbevoie est en phase de devenir un symbole de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Six mois après son élection, l’élu organisait des collectes à la fermeture des grandes surfaces et découvrait qu’aucune loi en France ne les oblige à distribuer leurs invendus comestibles. Il lance alors, avec l’acteur Mathieu Kassovitz une pétition pour mettre fin au gaspillage de 20 kilos de nourriture par jour dans les grandes surfaces.Le succès est immédiat, amplifié par le soutien de célébrités comme Johnny Hallyday ou Omar Sy. Arash Derambarsh s’empare du sujet avec un aplomb déroutant.

Le thème est depuis longtemps dans les tuyaux au Parlement et des ministères. Trop longtemps. Un pacte national signé en 2013 a donné lieu à la désignation d’un comité de pilotage… Puis une mission parlementaire a été confiée en 2014 au député Guillaume Garot (PS). L’ancien ministre délégué à l’agro-alimentaire du gouvernement Ayrault prépare une loi… pour 2015. Contrairement à l’élu de Courbevoie, il ne veut pas rendre obligatoire la distribution des invendus comestibles, mais améliorer le système de défiscalisation pour les bons élèves. Une subvention déguisée, forcément plus incitative pour les grandes surfaces. Tandis que Garot prépare sa loi, le «Don Quichotte» de Courbevoie continue sa croisade en martelant qu’il faut contraindre les supermarchés et les hyper à distribuer leurs invendus consommables quand \une association leur demande.

Il gagne le soutien de la Croix rouge, Action contre la faim et de One France, l’association du chanteur Bono. Dans les couloirs de l’Assemblée Nationale, il rencontre Frédéric Lefebvre.


Bertrand Guay - AFP

L’ancien conseiller parlementaire lui propose de déposer un amendement dans la loi Macron en discussion à l’Assemblée. Mais le ministre de l’Economie, briefé par son Premier ministre, convainc Lefebvre de retirer l’amendement qui court-circuite le programme gouvernemental. Le rapport Garot va donner lieu à un amendement Garot puis à une loi Garot, un plan cousu de fil blanc avec à l’horizon un bel outil de promotion pour la conférence climat Cop21. La cause défendue par Lefebvre sera traitée en temps voulu. Le député accepte. Moins conciliant, Arash Derambarsh fonce au Sénat. Il convainc Nathalie Goulet (UDI) de glisser un amendement lors du vote en deuxième lecture de la même loi Macron. L’amendement est voté à l’unanimité le 10 avril. Quatre jours plus tard, Guillaume Garot remet son rapport à la ministre de l’Ecologie. Arash a pris une longueur d’avance, mais juge l’amendement qu’il a fait voter au Sénat trop «light» (il ne concerne que les supermarchés de plus de 1000 mètres carrés). Il retourne voir Frédéric Lefebvre qui lui propose cette fois d’amender la loi sur la transition énergétique bientôt discutée à l’Assemblée. Mais Guillaume Garot est prioritaire sur ce thème et sur ce texte.






Arrive le vote à l’Assemblée nationale, Frédéric Lefebvre défend son amendement et rend hommage à la mobilisation de l’élu de Courbevoie. Le député Guillaume Garot dépose lui aussi son amendement. Surprise, il propose lui aussi d’obliger les grandes surfaces à distribuer les invendus consommables. Finie l’idée d’améliorer le système de défiscalisation… A initiative égale, la majorité socialiste préfère donc celle qui est portée par son propre parti. Normal. «Vieille technique», confie un connaisseur.

La proposition de Garot est retenue, celle de Frédéric Lefebvre passe à la trappe. Tans pis. «L’essentiel c’est que le projet soit porté peu importe par qui», explique-t-il à Arash Derambarsh. D’ailleurs «le Guardian», trois jours après le vote attribuera la paternité de l’amendement Garot à… Arash Derambarsh, dont l’activisme a effectivement porté ses fruits.

LES MISES EN GARDE DE FRÉDÉRIC LEFEBVRE

En séance ce 21 mai, Lefebvre prévient de la nécessité de coordonner les deux amendements sur le gâchis alimentaire: celui déposé par Nathalie Goulet au Sénat dans la loi Macron et celui déposé par Garot dans la loi Royal. Un détail technique qui a son importance. Selon le député Lefebvre, promouvoir l’un sans l’autre comporte un risque compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dite de «l’entonnoir». Des propos qualifiés «d’anxiogènes» par le président de la commission des affaires économiques François Brottes (PS). Ils seront pourtant prémonitoires.

Le Conseil constitutionnel vient en effet d’annoncer jeudi dernier le rejet de l’amendement Garot… «Les amendements ont été introduits en nouvelle lecture (…). Ces adjonctions n’étaient pas à ce stade de la procédure en relation directe avec une disposition restant en discussion (…) n’étaient pas non plus destinées à opérer une coordination avec des textes en cours», peut-on lire dans la conclusion des sages. Autrement dit, en refusant de concilier les amendements Garot (PS) et Goulet (LR), le législateur vient, comme l’avait prévenu Lefebvre, de se tirer une balle dans le pied.

"IL FAUT LÉGIFÉRER D’URGENCE"

Voilà Ségolène Royal bien embarrassée. A la manœuvre depuis le début de cette campagne, elle s’était enorgueillie dans un tweet du 22 juillet de «sa» proposition sur le gâchis alimentaire – oubliant même de citer Garot… A trois mois de la Cop21, la voilà privée de loi pour réduire le gaspillage alimentaire. Dommage.

Son député Guillaume Garot promettait hier dans un tweet de déposer une proposition de loi dès la rentrée. 

Mais trois heures plus tard, ce n’était pas sa proposition qui était déposée à l’Assemblée… mais celle des députés Républicains Frédéric Lefebvre et Jean-Pierre Decool. «Il faut légiférer d’urgence», lance Frédéric Lefebvre quipropose de réunir des signatures de droite et de gauche.

En attendant que les Gaulois se mettent d’accord, la Commission européenne étudie le texte «économie circulaire» qui prévoit lui aussi de limiter le gaspillage des ressources. Voté en juillet par les eurodéputés à Strasbourg, ce texte sera présenté dans sa version définitive à la fin de l’année au moment de la Cop21. 

Il contient un petit amendement sur la lutte contre le gâchis alimentaire déposé par Angélique Delahaye (LR) et poussé en coulisse par… Arash Derambarsh, l’élu qui revient par la fenêtre quand on le sort par la porte.

jeudi 13 août 2015

[Enquête Le Monde] Gaspillage alimentaire - Arash Derambarsh est bien à l'origine de la loi

Enquête du journaliste Charles Dos Santos (Blog - Le Monde).

Gaspillage alimentaire - Arash Derambarsh est bien à l'origine de la loi


Arash Derambarsh et les bénévoles à #Courbevoie © Copyright Joel Saget - AFP.
Arash Derambarsh et des bénévoles à Courbevoie
© Copyright Joel Saget - AFP.
Enquête - Blog Le Monde - 21 juillet 2015
Arash Derambarsh, élu municipal à Courbevoie, est à l'initiative de la loi sur le gaspillage alimentaire en France, voté à l'unanimité le 21 mai dernier à l'Assemblée Nationale. Toute la presse internationale a salué son travail.
Décidé d'aller plus loin, avec de nombreux soutiens de poids (la Croix Rouge française et Action Contre la Faim), il vient de s'engager dans une campagne européenne afin d'obtenir une directive européenne dans les prochains mois. Il espère faire voter une directive européenne avant la fin de l'année.
Mais alors que ce travail de terrain a été reconnu et salué par la grande majorité de l'opinion publique, il a pourtant été récupéré par Ségolène Royal le vendredi 10 juillet 2015.
Par deux tweets ("ma proposition" et "#LoiRoyal"), la ministre a mis en colère M. Derambarsh et ses nombreux soutiens. "Elle méprise le travail de terrain de centaines de bénévoles, et cette façon de faire de la politique est une imposture", affirme Arash Derambarsh. Certains y verraient une petite maladresse ; Lui, y voit plutôt une "vraie erreur politique" et ne tarde pas à le déplorer dans les médias. Ce n'est pas faute d'avoir demandé un rendez-vous. Mais l'élu de Courbevoie n'a jamais été reçu. Ségolène Royal étant visiblement "débordée de travail et indisponible". Toutefois, faute de ne pas avoir obtenu une rencontre avec la ministre, Arash Derambarsh a tout de même avancé dans sa quête.
Loi Macron : Amendement déposé au Sénat.
Très présente et visible sur Twitter, soutien de la première heure d'Arash Derambarsh durant sa campagne municipale à Courbevoie, Nathalie Goulet a saisi l'opportunité de la loi Macron pour y faire glisser un amendement.
Celui-ci a été voté à l'unanimité par les sénateurs le 10 avril 2015. Toutefois, il ne concernait que les supermarchés de plus de mille mètres carrés et ne prévoyait qu'une simple "faculté" de distribuer les invendus consommables. L'obligation avait donc disparu.
Qu'à cela ne tienne, Arash Derambarsh cherche une nouvelle loi pour y glisser un amendement prévoyant l'obligation.
Deux amendements similaires déposés à l'Assemblée Nationale. L'un accepté, l'autre pas.
Guillaume Garot n'est pas non plus à l'origine de cet amendement voté le 21 mai. En effet, il convient de connaitre les coulisses de cette affaire.
Par deux fois, Guillaume Garot exprime son opposition à la proposition d'Arash Derambarsh (Le JDD - 05 avril 2015 et Le Monde - 6 avril 2015).
Lorsque l'amendement a été voté au Sénat, Arash Derambarsh et le député Frédéric Lefebvre (UMP - Les Républicains) se concertent.
Il convenait d'obtenir plus qu'une simple faculté. C'est alors que la loi "transition énergétique" a pointé son nez dans les débats. L'occasion était trop belle pour la manquer. Il y avait une fenêtre de tir pour y intégrer un amendement.
C'est ainsi que le député Frédéric Lefebvre décide alors de déposer à l'Assemblée Nationale l'amendement "Arash Derambarsh", fondé sur sa pétition. Il le dépose en premier (Amendement 700).
Ayant appris cela, le député socialiste Guillaume Garot s'empressa de déposer aussi un amendement identique (amendement 922) une heure et demie après celui du député UMP (Républicains aujourd'hui).
Le groupe socialiste étant majoritaire à l'Assemblée Nationale, il était dès lors aisé d'écarter l'amendement de Frédéric Lefebvre au profit de l'amendement Garot, et de faire croire qu'il en était à l'origine. Ceci afin d'obtenir une couverture médiatique et un gain politique. Qu'importe d'ailleurs la conviction personnelle et l'opposition permanente à la proposition d'Arash Derambarsh (JDD et Le Monde).
Guillaume Garot n'était pas à son premier coup d'essai. Rappelons que le député Jean-Pierre Decool (UMP - Les Républicains) avait déposé une proposition de loi pour lutter contre le gaspillage alimentaire, le 19 décembre 2014. Cette dernière avait finalement fait l'objet d'une "motion de renvoi" en commission. Monsieur Garot souhaitait coûte que coûte donner son nom à la loi.
Mais la persévérance et la force de frappe inouïe d'Arash Derambarsh ont imposé à l'ancien ministre délégué à l'agroalimentaire de se ranger sur sa proposition fondée sur la pétition de Change.org.
En effet, de nombreux ténors du PS ont demandé à M. Garrot de soutenir cette proposition (en exclusivité la lettre de Jack Lang à Guillaume Garot) ou encore les députés Alexis Bachelay et Pouria Amirshahi. Enfin et surtout, il y a eu le soutien de l'Elysée. Ainsi, le chef de cabinet adjoint, Christophe Pierrel et Philippe Vinçon (conseiller agriculture du Président de la République) ont reçu Arash Derambarsh et sa délégation, le 5 mai 2015, en présence de Guillaume Garot.
Lettre de Jack Lang à Guillaume Garot

Après la France, l'Europe !
Arash Derambarsh, accompagné de bénévoles de Courbevoie, a été reçu le 11 juin à l'Elysée par Patrice Biancone (conseiller ONG et associations auprès du Président François Hollande) avec la direction des ONG de "la Croix Rouge Française" et "d'Action Contre la Faim". L'élu municipal a reçu un soutien de la Présidence de la République afin d'étendre la législation Française dans l'Union Européenne.
Celui-ci souhaite appliquer le traité de Lisbonne en invoquant l'initiative citoyenne européenne (ICE). Créé par le traité de Lisbonne en 2007, l'Initiative Citoyenne Européenne permet à chaque citoyen de participer à l'élaboration de la législation européenne. Le texte doit recueillir un million de signatures dans un quart des pays de l'Union Européenne, avec un seuil minimum pour chaque pays.
La pétition d'Arash Derambarsh est co-lancée avec Nicole Fontaine et Mathieu Kassovitz (France), Daniele Messina (Italie), Frédéric Daerden (Belgique), Nikos Aliagas (Grèce), Manuel Bruscas (Espagne), Tristram Stuart (Royaume-Uni), Claudia Ruthner (Allemagne).
Coup de théâtre européen !
Ce fameux 19 décembre 2014, lorsqu'il a commencé à distribuer des invendus consommables dans le centre commercial de Charras à Courbevoie, avec l'accord du supermarché Carrefour Market, peu de ceux qui ont pu en bénéficier pouvait alors penser que derrière le sourire généreux de ce trentenaire hyperactif, Arash Derambarsh souhaitait que cela devienne la règle au niveau hexagonal puis au niveau européen. Huit mois plus tard, son obstination commence à payer.
Ainsi, dès lors que l'amendement interdisant aux grandes surfaces de de ne plus jeter leurs invendus alimentaires et/ou de les détruire mais de les fournir à toutes associations qui en feraient la demande, l'élu courbevoisien se tourne sans plus attendre vers le droit communautaire. Et cela sans même attendre que les décrets d'application soient publiés au Journal Officiel en France.
En concertation avec la députée européenne Angélique Delahaye, l'amendement est adopté par le parlement européen le 9 juillet.
"Pour rendre applicable tout ça sur le continent, il faut maintenant que ça soit validé par la Commission Européenne et j'espère que ce sera fait avant la fin de cette année", espère le dynamique conseiller municipal.
Plus discret sur la suite de son travail, à peine reconnait-il, à demi-mot, qu'il va rencontrer "de nombreuses personnalités" d'ici à la fin de l'année. Alain Juppé vient d'ailleurs récemment de lui apporter son soutien.
Il y a fort à parier qu'Arash Derambarsh ne manquera pas d'énergie pour que l'agenda qu'il a en tête, se concrétise dans les faits, dans le second semestre 2015 et que son projet soit applicable dès 2016 dans toute l'Europe.
Rendre à César ce qui appartient à César.
D'un travail de terrain à Courbevoie, jusqu'au parlement européen, Arash Derambarsh aura été le "Robin des Bois français" de 2015, comme l'a titré fort justement l'AFP dans un portrait le concernant.
L'élu de Courbevoie a réussi l'exploit de devenir "la figure internationale du gaspillage alimentaire" en seulement quelques mois. Et de faire bouger les lignes de notre pays au profit des démunis.